Il fut un temps, je collectionnais les paires de chaussures.
Marquée au fer rouge par l’histoire de Cendrillon et de son unique soulier, je ne souhaitais surtout pas que cela puisse m’arriver…
Un jour, j’entreprends de compter.
Le résultat est effarant : 50 paires de chaussures, autant dire que si je cassais un talon ou perdait une chaussure dans l’escalier je pouvais largement m’en sortir.
Puis j’ai fini par me poser LA question :
« Combien as-tu de pieds ? »
En 2013, mes déménagements incessants et la lecture de l’Art de La Simplicité ont commencé à me faire réfléchir sur cette frénésie d’achats.
À l’époque je ne pouvais pas envisager un voyage quelque part sans ramener au moins une fringue, des chaussures ou un sac.
Je me disais shoppeuse internationale – pourtant les influenceuses n’existaient pas – et prenait plaisir à savoir que tel ou tel habit venait de Londres, de Singapour, de Floride, de New York…même s’il s’agissait du H&M de Londres et que j’aurai pu l’acheter à côté de chez moi…
Honnêtement aujourd’hui, je me demande bien ou je trouvais le budget pour tout ça.
Et puis un jour, je réalise le poids que cela pèse sur mes épaules. Je commence à me débarrasser, j’essaie de revendre…très difficile de revendre des chaussures et des habits s’ils ne sont pas neufs.
Il faut que je me fasse une raison : « l’investissement financier » que cette collection représentait est perdu.
Une fois cet état de fait digéré, je comprends que la liberté procurée par le fait de se libérer de ces affaires, elle, n’a pas de prix.
J’en dégage une bonne partie, au moins la moitié. Je fais vides-greniers sur vides-dressings et je donne à des amies, des associations. Je découvre à Paris un concept qui me plait beaucoup, le troc. Une association organise des évènements ou l’on peut ramener des habits et prendre en retour ce qui nous plaît – le piège étant de ne pas en prendre plus que l’on en a ramené.
J’ai l’envie de voyager en sac à dos à durée indéterminée. Le problème de ne pas pouvoir emmener sa maison commence à se poser et j’entrevois une seule solution…le minimalisme.
J’en suis encore très loin !
Je fais une erreur fatale, je pars beaucoup trop chargée et je m’en rends TRÈS vite compte. Le jour où, juste au début de mon voyage, je craque pour une paire de chaussures à talon très lourde, je réalise que je vais trop loin et la ramène au magasin.
Comme un fait exprès, j’ai des soucis de santé qui m’obligent à rentrer en France pour me soigner – j’appelle ça mon faux départ – alors je rentre avec tout mon bazar. Je décide de repartir très rapidement mais différemment. J’achète La Bible du Grand Voyageur. Il y est écrit que le poids de mon sac à dos en rapport avec ma taille et mon poids ne doit pas dépasser 12 kilos…voilà qui fait réfléchir. Ils préconisent de prendre 2 ou 3 habits de chaque catégorie, pas plus. Et seulement une paire de chaussures de rando et une paire de sandales, c’est sûr que ça fait la différence. Je m’équipe avec du matériel ultra léger de chez Décathlon*.
Ce voyage change ma vie et ma façon de consommer. Si j’ai besoin d’un habit, mes amies ou des voyageurs me le prête ou me le donne. Comme par exemple à mon arrivée au Japon ou je n’étais pas du tout équipée pour le froid et que mon amie japonaise m’a fait gentiment don d’une doudoune en plume d’oie et d’une tunique en jean Uniqlo parfaitement à ma taille et surtout 10 fois trop grands pour elle – gros soucis des japonais à cause des tailles standardisées – S’il n’y avait pas des trous partout tellement je les aient portés, je les porterais certainement encore aujourd’hui.
Au retour, je suis légère, légère d’avoir voyager 9 mois avec ma maison sur mon dos comme mesdemoiselles les tortues.
Malheureusement, les affaires que j’avais laissées de côté chez mes parents n’ont pas disparues.
Et pour en rajouter une couche, un an après mon retour, mes parents décident de déménager la maison dans laquelle j’ai grandi et me demande de venir récupérer toutes mes affaires. C’est-à-dire ? Toutes mes affaires depuis que je suis née ?!!
Heureusement, je loue la maison d’une amie qui est très grande et je possède un Berlingo, hyper pratique pour les déménagements ! Mais quand même. Je sais que je ne ferai jamais rien de ces poupées d’enfants qui me regardent avec leurs petits yeux tristes. Je garde vraiment le strict minimum des objets à hautes valeurs sentimentales et je décide de faire beaucoup d’aller-retour à Emmaüs pour le reste.
L’urgence de la situation – deux jours pour vider une maison contenant sa vie entière – permet de ne pas faire trop dans le sentimental. Jusqu’à présent, à part ma peluche Babar, je ne regrette aucun objet que je n’ai pas gardé.
*** Le petit truc, lorsque l’on a peur de regretter un objet, est de prendre une photo pour avoir au moins ce support pour se remémorer.
Me voilà avec ma vie en sac carrefour, je sais pourtant que cette location immense est temporaire.
Pour compliquer ma situation et « minimaliser » encore plus, je décide 6 mois plus tard, alors que j’emménage dans une nouvelle coloc, de me débarrasser de ma voiture. Je fais ce choix principalement par souci financier et pense me racheter une voiture plus petite et moins coûteuse. Finalement je me rends compte que je culpabilisais trop d’avoir cette grande voiture pour moi toute seule. Je m’accommode très vite à la liberté d’esprit que cela représente. Pas à se soucier d’un éventuel problème à régler au garage, pas d’assurance, pas de pollution et pas besoin de savoir ou se garer. J’habite pourtant dans la campagne profonde, le bus qui m’emmène en ville est à 50 min à pieds ou 15 min de vélo et il met 50 min pour aller à la ville…sans compter qu’il n’y a plus de bus après une certaine heure, je suis obligée de dormir sur place quand j’ai une soirée. Pourtant ce rythme nouveau me plaît, je réalise comme aujourd’hui nous sommes capables de nous déplacer à des vitesses contre nature. En voiture je mettais à peu près 4 min pour faire la route, que je mets 50 min à parcourir à pieds ! J’apprécie de me faire conduire et l’heure de bus quand je me rends à Nantes me permets de lire tranquillement, de rêvasser, d’écouter ma musique ou les conversations des mamies en mal de compagnie. Je me remets au covoiturage à haute dose et rencontre énormément de personnes exceptionnelles. Je développe une capacité incroyable pour toujours réussir à faire le trajet que je souhaite. J’utilise mes pieds, beaucoup ! Je fais du stop parfois et que de belles rencontres. J’observe les vaches et la nature lorsque je marche pour aller prendre mon bus. La vie est douce. Bien sûr à l’époque je suis en création d’entreprise et je n’ai pas besoin de faire le trajet quotidiennement jusqu’à la ville. Mes courses sont réfléchies car je ne peux pas me permettre de faire des petites courses quotidiennes. Et en cas de pénurie, il y a toujours les orties dans le jardin ! 😉 Ma coloc accepte également de me prêter sa voiture lorsqu’elle ne s’en sert pas et pour les périodes ou j’en ai besoin j’emprunte la voiture de mes parents ou j’en loue une. Aujourd’hui, je m’y suis faite et cette tranquillité d’esprit me convient. Mon quotidien devient un voyage permanent.
Alors déménager sans voiture : un nouveau challenge qui m’oblige encore et encore à me séparer de ce que j’ai. Je trie, je trie, je n’arrête pas de trier. Je repars en voyage longue durée et choisis de mettre mes affaires en garde-meuble. Bien sûr je veux le plus petit possible alors il faudra bien que ça tienne. La compagnie me fournit le camion de déménagement, moi, mes sacs carrefour et grâce à deux amies, en 2h tout est sous clés, quelle joie ! Ma vie tient dans 2m². Liberté, back on the road.
Je me suis tellement débarrassée de vêtements et de chaussures qu’aujourd’hui je possède une paire de tennis quotidienne, une paire de sandale, deux paires de chaussures à talons ouvertes, 1 paire de boots à talons, une paire de chaussures de rando et des bottes de pluie – nouvel investissement indispensable pour faire du bateau. Et je pense encore que c’est trop. Après tout, je passe ma vie pieds nus !
Je suis arrivée à un stade où j’ai tellement peu d’habits que je suis obligée d’en faire rentrer à nouveau dans ma garde-robe.
Mais cette fois je sais ce dont j’ai besoin exactement et je suis patiente, quitte à ce que ça me prenne des mois pour trouver l’article idéal.
J’ai cessé de fréquenter les grosses boutiques et de me faire happer par les soldes – quelle perte de temps – Je privilégie la qualité et à force de m’être déshabituer, je ne vois que des chiffons lorsque je rentre dans ces boutiques. Tissus de basses qualités, froissés, j’arrive à percevoir à l’œil nu que ces habits de fast fashion ne tiendront pas 6 mois.
Le cri alarmiste d’ouvrière chinoise ayant écrit un appel à l’aide sur les étiquettes d’habits de marque tel que Primark aussi m’a suffisamment fait froid dans le dos pour que je n’ai plus envie d’acheter ce genre de produits. Sans parler de tous les scandales H&M et j’en passe, brûlant ses stocks restants. Une sorte de caricature de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Malheureusement comme nous ne vivons pas dans un pays chaud, ni nudiste, il faut bien s’habiller. C’est là que ça se complique. Bonheur, il y a quelques mois, je découvre à Nantes une initiative de troc d’habits Les Nomades que je trouve vraiment intelligente. Tu ramènes une quinzaine d’articles ou moins qui équivalent à un crédit de point et tu récupères dans leur stock le même nombre de point – si tu en as besoin.
Aujourd’hui, le stock des Nomades déborde et j’hallucine à chaque fois de voir les quantités de fringues que les femmes ramènent. Effectivement il y a bien plus de femmes que d’hommes qui participent. Ce constat me conforte dans mon envie de continuer sur le circuit secondaire et de ne plus acheter (dans la mesure du possible) du neuf.
Alors je cible un maximum mes besoins ou les marques et couleurs que j’aime et je jette parfois un œil à des applis comme Vinted, qui me pose un autre problème, celui des emballages et du transport.
Les Nomades est donc le service le plus intelligent que j’ai pu trouver.
Il m’aura fallu 5 ans pour me désencombrer totalement et arriver au résultat d’aujourd’hui, lors de mon dernier déménagement j’ai encore repris un garde-meuble et encore réduit la superficie. C’est un box de 1,50m² qui contient toutes mes affaires depuis ma naissance.
Lorsque je recompte le temps perdu en déplacement, en tri, en logistique et le poids que tout cela peut représenter, je ne donnerai qu’un conseil : réfléchissons à deux fois avant de laisser rentrer un objet chez nous.
* Décathlon : Je ne partage pas particulièrement les valeurs de cette marque qui fait produire ces articles à bas prix dans des pays sous-développés et dans des tissus polluants. Malheureusement à l’époque et dans l’urgence il n’y a que chez eux que j’ai pu trouver un sac de couchage hyper compressible et des chaussures de rando ultra légères. Je cherche encore une marque éthique qui produirait des objets de voyages aussi pratiques. Si vous en connaissez une, laissez moi un commentaire. Merci !
2010 : Découverte de l’asso de trocs de fringues à Paris.
2011 : Je revends mes meubles au propriétaire de l’appartement que je quitte.
2012 : Je rentre d’une année de vie en Floride, je suis obligée de laisser sur place la moitié de mes affaires tellement j’en ai acheté.
2013 : lecture de l’Art de la Simplicité.
2014 : Gros tris, vides-greniers, vides-dressings, départ en voyage en sac à dos.
2015 : Retour du voyage, découverte de Béa Johnson et de son concept Zero Waste.
Mars 2016 : Je récupère toutes mes affaires d’enfance.
Octobre 2016 : Je revends ma voiture.
Janvier 2017 : Je réussis à voyager 10 jours en Floride et Mexique avec un sac à dos 20L.
Novembre 2017 : Je prends un box de 2m² pour mes affaires.
Novembre 2018 : Je découvre l’association Les Nomades à Nantes.
Mai 2019 : Je prends à nouveau un box de 1,50m² pour mes affaires, plus aucun meuble.
La vie est un mouvement fluide continuel. Les textes présents sur cette plateforme ne sont par conséquences que des impressions de mon esprit figées dans le temps qu'ils me semblaient important de partager à cet instant.
Merci de votre lecture.